Benjamin Compaoré... la juste récompense
Source DNA du samedi 16 août 2014
La juste récompense
La couronne continentale décrochée par Benjamin Compaoré
jeudi soir constitue un juste retour des choses. Enfin, il a pu
exprimer son talent. Enfin, sa persévérance est récompensée. Et le plus
ému reste son coach, Jean-Hervé Stievenard.
Plus
que quiconque, il est le mieux placé pour mesurer la dose de travail
qu’il a fallu accomplir, en repartant si souvent de zéro. Il sait de
quelle abnégation a fait preuve Benjamin Compaoré et dans quel acier il a
trempé son mental pour se relever, inlassablement. Les yeux embués par
moments, c’est quasiment avec un regard et un cœur de père que
Jean-Hervé Stievenard a évoqué la médaille d’or de sa pépite, jeudi soir
dans les coursives du Letzigrund.
« Jonathan Edwards n’a émergé qu’à 29 ans »
«
Une juste récompense que cette médaille d’or. Mais pas un
aboutissement. Rappelez-vous son saut mordu d’un rien aux championnats
de France 2010 à Valence, à plus de 18 m. Il a d’autant plus de mérite.
Depuis, il sait qu’il peut le faire. C’est tellement frustrant. Et
malgré les blessures, il n’a jamais abandonné. Au passage, sans jamais
être à 100 %, il fait cinquième à Barcelone en 2010, et surtout sixième
des Jeux à Londres. N’importe quel sprinter qui fait sixième au niveau
mondial, on en parlerait encore. Par rapport à cette persévérance, j’ai
une grande admiration pour lui. »
Pas
un aboutissement donc, un soulagement en tout cas, Stievenard ne
pouvant s’empêcher de revenir sur la qualification sur le fil pour la
finale. « Les entraînements laissaient présager une grosse performance.
Le danger, c’était les qualifications et, franchement, j’ai eu un moment
de doute. Je me suis dit, “c’est pas possible, il ne va pas être chat
noir tout le temps”. S’il n’était pas passé, je crois que je n’aurais
pas dormi pendant un mois. »
Les
insomnies s’éloignent. De doux rêves se dessinent peut-être. « Chacun
son parcours. Teddy (Tamgho) a perfé très tôt. Benjamin a connu plein de
blessures qui l’on retardé. Mais n’oubliez pas, Jonathan Edwards n’a
émergé qu’à 29 ans. »
Hier,
le champion du monde de Moscou, estimant la victoire de l’Alsacien dans
la logique des choses, en était à regretter la préparation tronquée de
Johann Rapinier, lequel a raté le podium pour trois centimètres (17,09
m). « Je suis sûr qu’il aurait pu répliquer avec un saut au-delà de
17,50 m, obligeant Benjamin à montrer qu’il vaut 17,70/17,80m. »
Tamgho
et Compaoré se sont à nouveau rapprochés depuis que fin novembre
dernier, le premier s’est fracturé le tibia sous les yeux du second qui,
le jour même, reprenait les bondissements à l’entraînement. Et le
premier est allé distiller quelques conseils au second lors de
l’échauffement le menant enfin à un grand titre.
Au
cœur d’une soirée en clair-obscur pour l’athlétisme française, les
qualités humaines de l’athlète du Strasbourg Agglomération Athlétisme,
digne dans la victoire comme dans la malchance, ont plus encore sauté
aux yeux.
«
C’est marrant, il est métis, mais c’est bien la rigueur alsacienne qui
le caractérise, sourit Stievenard. Il a la tête sur les épaules, il a
bénéficié d’une éducation rigoureuse. Le respect constitue sa qualité
principale. Le respect des siens, des autres, des valeurs. C’est le cas
dans la vie courante comme en compétition et à l’entraînement. Un gars
avec des valeurs comme ça, ça rejaillit sur tout le groupe. Depuis 14
mois, il mène une vie de père de famille exemplaire.Il sait faire la
part des choses entre le temps à consacrer à l’entraînement et à sa
famille. »
Rien ne vaut Cassandre
Comme
pour confirmer, peu avant, à la sempiternelle question liée au plus
beau jour de sa vie, Compaoré avait répondu face caméra que non, aucun
titre ne supplantera la naissance de sa fille. D’ailleurs, il exhibe sa
breloque en précisant, « je vais la donner à Cassandre. Ça va être son
nouveau jouet.»
Plus
tard, l’ambiance fut forcément mitigée au Club France, vu les
événements pas tout rose, pas tout bleu pour le clan français. Pas de
quoi entamer le bonheur du champion d’Europe. « Mon moment à moi, je
l’ai eu là, dans le stade, avec les miens. Le reste… ».
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