Source DNA du 11/01/2021
« Momo » El Bouajaji paré au décollage
Initialement, il voulait d’abord et surtout s’envoler pour Tokyo à l’été 2021. Désormais, Mohamed-Amine El Bouajaji a fait de son entrée en école de pilote de ligne sa priorité. Mais le Strasbourgeois ne renonce pas pour autant aux Jeux Olympiques.
C’est l’un des nombreux effets indésirables de la pandémie de coronavirus : à force d’y voir une simple parenthèse, même immensément longue, on en vient à perdre la notion du temps. Et dieu sait que celui-ci compte pour un athlète de haut niveau, qui plus est spécialisé dans les courses sur piste, où chaque centième de seconde a son importance.
« Je me suis beaucoup parlé à moi-même, limite schizophrène »
En la matière, Mohamed-Amine El Bouajaji est un cas d’école en ce début d’année 2021. La dernière compétition officielle du Strasbourgeois ? Il y a près d’un an, le 15 février précisément, lors d’un 5 km sur route avalé en un tonitruant 13’29’’ sur le goudron princier de Monaco. Son dernier cross, lui, le champion de France 2017 de cross court et quadruple champion d’Europe juniors et espoirs par équipes (2015, 2016, 2017 et 2019) ? Le 12 janvier 2020, lors des championnats du Bas-Rhin à Brumath. Et son ultime sortie sur piste ? Un relais 4x800 m avec ses copains du Strasbourg Agglomération Athlétisme lors de la Coupe de France des spécialités, en… octobre 2019.
On pourrait ajouter à ce drôle de récapitulatif un dernier 1500 m, sa spécialité à l’époque, couru début août 2019, à Berne, en 3’43’’62. Mais c’est une course dont lui-même ne se souvient pas et qui ne veut surtout plus rien dire. Car s’il n’a pas eu l’occasion d’effacer ce chrono des tablettes, c’est à cause du Covid, donc, mais aussi parce qu’il s’est blessé au cœur de la première vague, lors d’un stage en altitude non loin du Grand Canyon, aux États-Unis, ratant toute occasion de s’exprimer lorsque les compétitions ont finalement repris (de juillet à octobre).
Cette aponévrosite plantaire au pied gauche est désormais de l’histoire ancienne, mais pas sa carrière d’athlète, même si cette « période compliquée » l’a poussé à l’introspection. « J’ai réfléchi à ma vie d’homme avec un grand H », admet volontiers le jeune homme de 23 ans. « Ma blessure m’a en quelque sorte aidé à prendre une décision. Parce que c’est le genre de mal pour lequel il n’y a pas de recette miracle. Il faut attendre, accepter de rester au repos. Et du jour au lendemain, c’est parti. Dans l’intervalle, j’ai gagné en maturité, je me suis posé les bonnes questions : ‘‘Et maintenant, je fais quoi ?’’ Je me suis beaucoup parlé à moi-même, limite schizophrène (sourire). »
La tête dans les nuages pendant toute cette phase, Mohamed-Amine El Bouajaji a fini par atterrir. Pour finalement prendre son envol. « Je rêve de devenir pilote de ligne depuis que je suis tout gamin », explique-t-il. « Et comme j’ai eu l’opportunité de reprendre mes études, je l’ai saisie. J’ai passé l’examen d’entrée dans une école parisienne, j’aurai les résultats autour du 20 janvier. Si je suis admis, je démarre la formation le 1er mars. Je suis plutôt confiant, j’ai travaillé pour. Quand on se donne les moyens de réussir, généralement, ça passe. C’est un peu comme dans le sport de haut niveau. En attendant, je continue de prendre des cours de maths, d’anglais, d’allemand bientôt, j’essaie de remplir au mieux ma petite cervelle. Maintenant que j’y suis, j’y vais à fond. »
Et quand on connaît « Momo », tantôt impayable farceur, tantôt redoutable compétiteur, on comprend très vite que le sujet a été étudié sous toutes ses coutures.
« C’est un peu comme si je partais sur la Lune ! »
« Si je suis accepté, j’en aurai pour deux-trois ans à enchaîner les heures de vol (100 sur simulateur, 240 en avion), c’est une formation vraiment dédiée à ça. Il me manque juste mon certificat médical, que je passerai dans quelques jours à l’aéroport de Toulouse-Blagnac. C’est assez poussé, ils vérifient tout : la vue, l’audition, le cœur, les poumons, le sang, il y a un entretien avec un psychiatre… C’est un peu comme si je partais sur la Lune ! (rire). Bon, là aussi, je suis assez confiant. » Il faut dire que ses années d’entraînement à haute intensité font un peu office de passeport dans le domaine…
« Je ne renonce pas à l’athlétisme pour autant », assure d’ailleurs l’élève de Jean-Marc Ducret, qui partage à l’occasion quelques séances avec les gars du CNSD (*) à Fontainebleau, non loin de son nouveau camp de base. « Pour moi, ces études ne sont pas incompatibles avec mon objectif de me qualifier pour les Jeux Olympiques. On verra à l’usage. Je ne courrai pas cet hiver, j’ai repris trop tard, mais il y aura une saison estivale sur 1500/5000 m dans l’optique de faire quelque chose de sympa sur 5000 m. »
Et plus, si affinités japonaises. Avant, qui sait, d’être lui-même un jour aux commandes d’un vol Paris-Tokyo. Voire d’un Tokyo-Paris en 2024, pour boucler la boucle.
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