Source DNA du 15/11/2021
Cross-country
Anicet Kozar, comme si c’était écrit
C’est la marque des champions: être attendu et répondre présent le jour "J". Deux ans après son titre junior sur 800m, le Strasbourgeois Anicet Kozar est champion de France espoir du cross court. Chez les cadettes, la Molshémienne Jade Buridon, 3ème, s’est elle aussi montrée exacte au rendez-vous.
Ciel bleu étoilé. Non, il n’a pas fait grand beau sur Montauban, au contraire. On évoque là le maillot du Strasbourg Agglomération Athlétisme (S2A) qui a émergé de l’hippodrome des Allègres à chaque fois qu’on l’attendait.
La science de la course de Jean-Marc Ducret n’y est pas étrangère. Le coach avait prévenu : « Le parcours est bien plus dur qu’il n’y parait. Il faudra partir prudemment, accélérer dans le deuxième tiers en se faisant mal dans les buttes et en garder pour la fin ».
« Sur la fin, j’ai lâché un sprint de 500m, à fond ! »
Tous ses protégés ont agi de la sorte, avec réussite. De la cadette Jade Buridon (lire ci-contre), médaillée de bronze dans la matinée, à Anicet Kozar et son sprint décisif parmi les espoirs du cross court, en passant par Julie Lejarraga et même Mohamed-Amine El Bouajaji.
La Zoebersdorfoise, licenciée à l’EFCVO dans le Val d’Oise, a pris une étonnante 9e (7e Française) du cross court après à peine six semaines de préparation, suite à sa fracture de fatigue.
Étonnant El Bouajaji
El Bouajaji, lui, a jadis décroché en ces lieux une sélection en équipe de France en appliquant la même tactique. Désormais coéquipier, à Boulogne-sur-Mer, de son pote Jimmy Gressier, lequel a éclaboussé le cross court de toute sa classe (après la première attaque de Nathan Guerbeur, finalement 39e ), El Bouajaji a signé un fracassant retour de nulle part, déboulant de l’arrière jusqu’à la 5e place, lui aussi après si peu d’entraînement.
« C’est une première étape. Je savais que je n’étais pas non plus dégueulasse, rigolait-il dimanche soir. C’est par rapport à la concurrence que je ne savais pas. Avec les armes du moment, il fallait y aller prudemment. »
Baptiste Mischler, la suite
Il fallait aussi son talent et sa gnac pour ramasser les morts, selon l’expression consacrée. Parmi eux, Baptiste Mischler, 10e , qui s’est fait plaisir comme espéré. Enfin, le dernier kilomètre excepté. « Finalement, le cross ne m’a pas manqué. La boue a rendu le parcours usant. Avec des appuis fuyants, on ne trouve pas sa trajectoire. »
Revenu à la 5e place, le Brumathois a fini par céder. « J’étais esseulé. Ils m’ont ramassé à la p’tite cuillère. Momo, lui, a réussi à mettre le frein à main au début. Je suis heureux de son retour. »
Baptiste Mischler est déjà focalisé sur l’avenir. « Jean-Claude ( Vollmer, son coach, NDLR ) est satisfait. Moi un peu moins. On va revenir aux choses plus sérieuses, la préparation pour la salle et l’été prochain. »
La lucidité d’Anicet Kozar
Quelques secondes plus tard, Anicet Kozar (S2A/ASPTTS) a donc conquis l’or qu’il était venu chercher chez les espoirs, dominant de quatre secondes le Breton Armand Gouriou.
Là encore, la patience a payé. « J’ai réussi à bien me placer, mais c’est parti tellement vite que quelqu’un m’a arraché le dossard. Puis, sur ce tracé boueux, il fallait garder des forces, ne pas s’affoler. »
Le Strasbourgeois a aussi conservé la lucidité nécessaire pour analyser la situation et prendre les bonnes décisions au bon moment. « Je ne savais pas trop où étaient les autres espoirs. En lisant les dossards à l’arrière, j’ai vu que j’étais 4e. Sur la fin, j’ai lâché un sprint de 500m, à fond ! Je les ai tous repris et aussi quelques seniors au passage. »
Preuves à l’appui
Il s’offre notamment le champion de France du 800m, Benjamin Robert. Et puis, il a fallu prouver qu’il avait bien gagné ! Sans son dossard, avec puce électronique intégrée, son temps n’a pas été pris en compte.
Les commissaires ont arpenté la zone de départ jusqu’à retrouver son dossard, puis ont visionné toutes les images avant d’officialiser sa victoire, confirmée auprès de ces messieurs par ses propres adversaires.
Plutôt que de s’épancher sur sa joie, sa fierté, pas le genre de la maison, le Tourangeau d’origine se projette sur les sélections pour le relais mixte des championnats d’Europe, dans deux semaines à Gujan-Mestras, sur 2000m.
« Cette fois, ce sera un sprint tout le long, sans rien garder sous le pied. Il y aura pas mal de seniors. Il va falloir bien s’accrocher. »
« À fond, et ça passe ou ça casse », résume pour sa part Jean-Marc Ducret. Et en langage plus imagé, façon Momo El Bouajaji, qui en sera aussi : cela donne : « On part comme des bourrins, on finit comme des bourrins. »
Kodad malheureux
Les championnats d’Europe à Dublin, l’espoir de l’ASS, Mohamed-Amine Kodad en rêvait aussi. Au cours d’un cross long remarquablement maîtrisé par le Sarregueminois Yann Schrub, l’étudiant en 8e année de médecine qui s’entraîne entre ses gardes au long cours, vainqueur du 10km des courses de Strasbourg-Eurométropole le 29 août, l’affaire a tourné court pour le poulain de Gérard Muller.
«J’étais bien placé. Arrivé dans la boue, je n’avais plus de stabilité et la cheville a lâché. La même où j’avais été victime d’une rupture des ligaments.»
La belle 52e place – 17e espoir et 5e des premières années – de son compère Elias Ali ne pouvait suffire à le consoler. Pas plus que la 67e d’Arthur Deloignon et les 25e et 61e rangs de Farida Abarogé et de Laurène Fourny chez les féminines, autant d’accessits appréciables.
Le junior Etienne Bayer, 34e, et le méritant Haftom Kebede Redayee, l’Éthiopien, si loin des siens, 79e du cross court, entrent aussi dans cette catégorie. Eux aussi sous le maillot bleu étoilé de l’ASPTT Strasbourg et du S2A.
Un titre, deux médailles, des places d’honneur dans le premier tiers des meutes : la qualité a bel et bien compensé la quantité au sein de la toute petite délégation alsacienne dans le Sud-Ouest.
* * *
Jade Buridon pose les jalons« Elle a fait la course parfaite, s’est enthousiasmé Jean-Marc Ducret après la 3e place chez les cadettes de sa nouvelle protégée Jade Buridon, léguée par son prédécesseur, Jean-Claude Gast. Il ne fallait pas se mettre trop vite dans le rouge. Elle a écouté ses sensations et m’a surpris par son intelligence de course. »Jamais en tête, jamais loin non plus, la Molshémienne a laissé filer l’intouchable francilienne Jade Le Corre et la Clermontoise Margot Dajoux, dont elle n’était finalement pas loin de chiper l’argent. Elle en a surtout gardé pour revenir sur la Rennaise Caroline Dennilauler et donc se parer de bronze.« Quand elles sont parties, je ne me sentais pas bien, a avoué l’athlète du Molsheim AC, section locale du S2A. J’ai préféré assurer en espérant que ça craquerait devant. Bon, j’ai pris un petit risque, ça n’a pas craqué. Puis, au feeling, j’ai accéléré pour revenir. »Son deuxième podium national, après le bronze déjà, du 800m en salle l’hiver dernier, en appelle d’autres.
Rémy SAUER.