Paris-Alsace à la marche... la passe de quatre pour Sylvie
Source DNA du 04/03/2023
Paris - Alsace: Sylvie Maison, marcheuse résistante
Engagée dans une « lutte perpétuelle contre la chaleur », jeudi dans la Marne, Sylvie Maison s’est demandé si elle n’était pas « fêlée », lors de son 11e Paris - Alsace à la marche. Mais la Lipsheimoise s’est « réconciliée » avec l’épreuve dans les Vosges et a rallié l’arrivée avec le sourire, ce samedi à Colmar.
En écoutant Sylvie Maison décrire le scénario de son 11e Paris - Alsace à la marche, on devine qu’elle a vécu l’une des journées les moins agréables de sa carrière d’athlète, jeudi dans la Marne.
Après avoir avalé une nuit blanche dans les vignes de Champagne, la Lipsheimoise (49 ans) a dû faire face à un soleil de plomb, du matin au soir, alors qu’elle était engagée dans l’étape la plus longue du parcours (212,8 km), entre Château-Thierry (Aisne) et Mognéville (Meuse).
« C’est une lutte perpétuelle contre la chaleur, il n’y a pas d’air et pas d’arbres, raconte-t-elle. Même si j’ai bien géré, la sensation de plaisir a complètement disparu. Et j’ai fini par me dire que j’étais fêlée de m’infliger ça… »
En guise de récompense, elle devrait recevoir un quatrième vase de Sèvres, avec un mot du Président de la République
La Bas-Rhinoise s’est néanmoins « réconciliée » avec son épreuve de cœur dès le lendemain, sur le circuit vallonné qui reliait Neufchâteau à Épinal (112,5 km). « Dans les Vosges, on respire mieux et les paysages sont quand même plus sympas », sourit-elle.
Sylvie Maison a dû à nouveau serrer les dents, ce samedi, sur l’ultime portion entre Plainfaing et Colmar (55,3 km). Comme elle l’avait anticipé (lire notre édition de mardi) , « la descente très raide sur Orbey, après la montée du col du Calvaire », a été un supplice. « J’ai eu du mal à cause de mes ampoules, même si j’en avais un peu moins que l’année dernière », souffle-t-elle.
Il en faut plus, cependant, pour terrasser la marcheuse du Strasbourg Agglomération Athlétisme (S2A), qui a finalement bouclé la “Mythique” (400,6 km) avec un sourire radieux, sous les applaudissements des spectateurs rassemblés sur la place Rapp, après 57 heures, 44 minutes et 39 secondes d’efforts.
« Mon objectif était de respecter les barrières horaires et de ne pas passer les points de contrôle (disséminés tout au long du parcours) hors délai. J’ai su relever ce défi », savoure-t-elle.
Seule féminine en lice sur l’épreuve reine cette année, Sylvie Maison remporte le trophée pour la quatrième fois d’affilée (2019, 2021, 2022, 2023).
L’enseignante en SVT – qui dispensera sept heures de cours dès ce lundi au collège de Villé – devrait donc recevoir un... quatrième vase de Sèvres en guise de récompense, avec un mot du Président de la République s’il vous plaît.
« Il y a deux modèles différents, donc pour le moment, j’en ai un en double, expliquait-elle la semaine dernière, à trois jours du grand départ. Ce sont de magnifiques vases de 30 centimètres de hauteur en porcelaine bleue, avec des petites fleurs dorées. Mais certains disent que ça ressemble à des urnes funéraires (rires). Ce n’est peut-être pas tout à fait faux ! »
Florian Letourneau, la passe de trois
Florian Letourneau (34 ans) affichait la même bonne humeur, ce samedi en fin d’après-midi, au moment de débriefer sa performance, aux abords de la ligne d’arrivée. Après avoir distancé dès jeudi Christophe Erard (ASM Bar-le-Duc), son unique rival sur la “Mythique” – qui aura donc rassemblé... trois participants –, le sociétaire de l’AC Château-Thierry s’est dirigé tranquillement vers une troisième victoire d’affilée sur le Paris - Alsace (52h39’31).
« Ce que j’aime dans cette compétition, c’est le dépassement de soi, confie-t-il. Je cherchais à aller vite, car je vis une très belle année et j’ai explosé dernièrement mon record sur 200 km, en marchant 201 km en 24 heures. Mais comme nous n’étions pas nombreux et qu’il n’y avait pas de bagarre, ce n’était pas évident. Je suis passé par des moments compliqués. Il a notamment fait très chaud jeudi du côté de Vitry-le-François. Mais je n’ai jamais été dans le rouge. »
Annie Berthault-Korzhyk (Marche mythique organisation) et Nadia Ducruet (AC Château-Thierry), les seules athlètes inscrites sur la “Vosgéenne” (303,1 km), ne peuvent hélas pas en dire autant. La première a dû jeter l’éponge ce samedi au col du Calvaire. La seconde en a fait de même un peu plus tard, à Orbey, à moins de 30 kilomètres de l’arrivée. Les deux étaient à bout de forces...
L’histoire retiendra que c’est la “Castèle” (215,8 km), le circuit le plus court, qui a réuni le plus d’engagés (13). Le lauréat, Philippe Morel (58 ans), n’est pas un inconnu. En 2007, déjà, il avait terminé troisième de l’épreuve phare (440 km à l’époque). Seize ans plus, le licencié de l’AC Château-Thierry a de beaux restes, même si son effort n’a duré cette fois ‘‘que’’ 25h24’09.
Chère, peu attractive, sous-médiatisée et impossible à suivre sur Internet, l’épreuve est en danger de mort
Reverra-t-on tous ces visages en 2024, pour une 75e édition, ou le Paris - Alsace sera-t-il mort et enterré d’ici là, faute de marcheurs en nombre suffisant ? « Il faut dire qu’entre la location du camping-car et l’essence, ça coûte très cher de participer à cette compétition. Pour ma part, j’ai dû débourser 3 500 euros », soupire Christophe Erard, deuxième de la “Mythique” en 55h18’37.
Outre la question financière, d’autres sujets, comme la médiatisation de l’épreuve ou sa faible attractivité auprès des marcheurs, mériteraient d’être abordés lors d’une « discussion entre les organisateurs et les athlètes », estime Florian Letourneau.
« Il y a également un problème de communication », déplore Claudine Anxionnat, l’équipière de Sylvie Maison, qui n’a pas compris pourquoi elle n’avait pas accès aux chronos de chaque participant en temps réel, alors que le site paris-alsace.fr en avait fait la promesse. « Dans le monde de la marche, les gens râlent... Si on veut faire mourir cette épreuve, on va finir par y arriver. »
* * *