Interclubs 2024 : la fronde de l’ANA et du S2A
Le pavé dans la mare. L’Alsace Nord Athlétisme et le Strasbourg Agglomération Athlétisme ont décidé de trancher dans le vif et de déclarer forfait pour les interclubs. Les deux entités fustigent le déplacement à rallonge imposé à autant de monde et les critères d’attribution des subventions, jugés contre-productifs.
« Les interclubs sont viciés, inéquitables et obsolètes, lance François Trousset. Comme l’ANA et le S2A, de nombreux clubs ne veulent plus de cette mascarade qui nuit au développement de l’athlétisme et à la formation, engloutissant des sommes exorbitantes en déplacements inutiles. À l’heure où tous nos élus incitent à l’écoresponsabilité, à la sobriété énergétique, la FFA organise encore des interclubs nationaux déplaçant 47 équipes de 70 personnes à travers l’Hexagone, à raison de 500 à 1 500 kilomètres aller-retour. »
Non pas Épinal, non pas Nancy, mais… Compiègne !
Le président de l’ANA est l’instigateur de toutes les démarches entreprises depuis des mois auprès de la Fédération et des collectivités, non sans avoir fait valider tous les mails depuis l’origine par les instances du S2A.
« La décision du forfait a été prise par tous les présidents de section du S2A à l’unanimité », témoigne d’ailleurs Albert Koffler, qui a depuis passé la main à Corentin Schmidtenknecht à la tête de l’entente strasbourgeoise.
Il ajoute : « Dépenser une fortune pour aligner une équipe incomplète et lutter avec des clubs qui utilisent des étrangers n’a aucun sens. »
Tout part d’un concours de circonstances lié à l’aménagement du règlement et du calendrier, rendu nécessaire, selon la Fédération, par l’approche des Jeux olympiques. En résumé, les interclubs de N1 se limitent à un tour, avancé au 12 mai, quand jusqu’ici le verdict tombait toujours le troisième week-end de mai.
Premier souci, ce dimanche 12 mai suit une semaine à deux jours fériés suscitant de nombreux départs en congés. Rappelons qu’on parle là de sport amateur et qu’il serait malvenu de reprocher aux uns et aux autres de prendre des engagements privés.
Deuxième souci, les clubs alsaciens de N1B devaient à l’origine ferrailler à Épinal, où l’AVEC avait été reléguée de N1A. Sauf que la N1A a été reformatée et l’entente vosgienne repêchée. Celle-ci ne pouvait donc plus accueillir la compétition de N1B.
Voilà comment l’ANA et le S2A ont été invités à se rendre à… Compiègne, destination nécessitant un départ la veille, donc d’imposants frais de déplacement et de nuitées pour 70 personnes.
10 000 € engloutis en un week-end
« En plus des 2 000 euros d’inscription à la FFA, il y en a pour 7 500 euros, détaille François Trousset. Comment voulez-vous dès lors que les 10 000 euros d’aide, ainsi absorbés, soient en adéquation avec la convention signée ? » Somme officiellement attribuée pour « la formation des jeunes et des missions d’intérêt général ».
L’ANA et le S2A ont bien tenté une approche auprès de la Fédération pour rejoindre les six clubs de N1A en lice à Nancy, où le stade de Tomblaine dispose de huit couloirs. Fin de non-recevoir.
« La FFA pouvait, elle n’a pas voulu, regrette Albert Koffler. Elle n’a pas voulu entendre les problèmes que ce mode de fonctionnement génère. »
Qu’est-ce qui empêcherait en effet de comparer, en N1 et à l’instar de la N2, les totaux des clubs disséminés à travers le pays, plutôt que de les faire concourir coûte que coûte en un même lieu ?
Le Pays de Colmar Athlétisme, qui n’en pense pas moins, fera, lui, le voyage jusqu’à… Saint-Étienne. À Guillaume Maréchal, vice-président du Grand Est, délégué à la jeunesse et au sport, Grégory Leloup a écrit : « Nous risquons de descendre en N2 cette année. La raison ? Un manque d’athlètes sur un week-end prolongé, dix heures de route aller-retour, des athlètes peu disponibles, entre les examens pour les plus jeunes et des vacances pour d’autres. »
Pour des critères de subvention favorisant la formation, le travail au quotidien
Le président du PCA poursuit : « Entre les frais importants de déplacement, sans parler du manque de considération pour l’écologie avec ce type de voyage, et le risque important de descente, il nous paraît important de réviser le format des subventions dans notre sport. Notre niveau et donc nos subventions se jouent sur une journée alors que toute l’année, nos licenciés se battent pour défendre nos couleurs avec de bons résultats, notamment plusieurs champions de France au sein de notre club. »
Plus que la Fédération, l’autre grief concerne effectivement les collectivités. « Pour l’attribution des subventions, la Région Grand Est, la CEA et les municipalités se réfèrent à ces interclubs, cette loterie d’un jour, fustige François Trousset. Au détriment des clubs formateurs, on donne ainsi aux clubs riches, déjà bien subventionnés, qui en profitent pour payer des étrangers, uniquement pour l’occasion, et ainsi rafler les subventions. Il est tellement plus facile d’acheter des athlètes formés par d’autres que de les former soi-même. »
Et d’en appeler à un autre critère, le classement national des clubs, plus représentatif de leur valeur et plus conforme aux missions confiées dans le cadre des conventions signées.
Les clubs y cumulent des points en fonction du nombre de licenciés, des plus petits aux plus grands, du niveau des athlètes et de l’encadrement, des actions entreprises dans le loisir et le running, de tous les événements organisés. Autrement dit, de l’investissement au quotidien, dans l’espoir de voir éclore des champions de demain.
Au nom du Grand Est, Guillaume Maréchal, a indiqué à François Trousset qu’à ce stade, la collectivité, certes sensible aux arguments exposés, n’a pas avancé sur le sujet. Reconnaissant l’existence de clubs dits “mercenaires”, elle renvoie néanmoins la balle à la Fédération : « Il n’appartient pas aux Régions de modifier le mode de fonctionnement des disciplines, décidé au niveau national. »
Le forfait entraîne une relégation de deux niveaux
En espérant faire bouger les lignes – celle des interclubs avec notamment des déplacements de 200 kilomètres maximum, faisable dans la journée, celle des critères de subventions – l’ANA et le S2A ont osé. Et tant pis pour les conséquences.
Les deux ententes seront reléguées de deux divisions l’an prochain, en N2B, et retrouveront au mieux leur niveau actuel, ainsi que les aides financières inhérentes, dans trois ans. Si rien ne change d’ici là.
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Les interclubs 2024 tournent au vinaigre en Alsace
Le 1er tour des interclubs devait se tenir ce dimanche pour les clubs de N2, mais celui-ci étant devenu facultatif, ni l’Entente de Haute Alsace, ni l’Entente Grand Mulhouse Athlétisme n’y participeront. Avec les forfaits actés du Strasbourg 2A et de l’Alsace Nord Athlé en N1B, c’est un rendez-vous majeur du calendrier qui vire à la gabegie.
Le week-end athlétique démarrera dès ce vendredi (18 h 45) en Alsace avec un meeting au stade de l’Europe à Colmar. Il aurait surtout dû être marqué par le 1er tour des interclubs en Nationale 2A et Nationale 2B.
Mais le calendrier totalement chamboulé de cette année olympique a décidément eu bien du mal à mettre tout le monde d’accord, notamment au sein de la Ligue du Grand Est d’athlétisme, longtemps divisé par les débats sur l’organisation d’un ou deux tours d’interclubs.
« La Fédération avait initialement préconisé d’organiser le 1er tour dès le 27 avril, mais entre les congés scolaires des uns et les stages organisés à cette période par les autres, c’était impossible », explique Pascal Bleu, président du comité du Haut-Rhin et de l’Entente Grand Mulhouse Athlétisme, qui émarge en N2B. « La date du 5 mai a donc été privilégiée, mais ce n’était pas l’idéal non plus à une semaine du 2e tour. L’Élite et la Nationale 1 n’ayant cette année qu’un tour d’interclubs, le 12 mai, j’étais pour qu’on en fasse de même en N2 et N3. Au final, personne n’était d’accord, donc on a organisé un vote. Et, à une voix près, il a été décidé que le 1er tour de ces interclubs serait facultatif dans le Grand Est. »
« Ça va être très compliqué de monter des équipes compétitives »
Résultat des courses : ni l’EGMA en N2B, ni l’Entente de Haute Alsace en N2A ne seront sur le pont ce week-end à Sarreguemines, pour ce fameux tour de chauffe ‘‘pour du beurre’’. « Financièrement, aller deux fois à Sarreguemines (Ndlr : la finale de N2A y aura également lieu le 12 mai), c’était compliqué », indique Jérôme Schellenberger, capitaine de l’EHA aux interclubs. « Monopoliser les athlètes deux week-ends d’affilée, c’était tout aussi difficile avec les autres compétitions au programme. Le calendrier est très serré cette année, on a donc décidé de ne faire que le 2e tour. »
Même décision, donc, à l’EGMA, qui tâchera de mobiliser ses troupes le 12 mai pour le 2e tour de N2B à Châlons-en-Champagne, où les deux premières équipes seront promues en N2A. « Mais entre les vacances, les révisions, les examens et les ponts, ça va être très compliqué de monter des équipes compétitives », prévient déjà Pascal Bleu.
Avec le forfait annoncé du Strasbourg Agglomération Athlétisme et de l’Alsace Nord Athlétisme en Nationale 1B (lire notre édition du 24 avril) - division où seul le Pays de Colmar Athlétisme a prévu de participer à la finale de sa poule à Saint-Etienne, mais sans se réjouir -, les interclubs ne ressembleront pas à grand-chose, vu d’Alsace cette année.
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