Meeting national Athéo de Strasbourg...
Source DNA du 05/06/2024
Anas Lagtiy-Chaoudar a trouvé sa place ici.
Samedi à Hautepierre, Anas Lagtiy-Chaoudar constituera une des têtes d’affiche locales du meeting national Athéo de Strasbourg. La phrase résume tout. Naturalisé Français, le demi-fondeur est définitivement chez lui à Strasbourg. Un soulagement, un apaisement. Avec sérénité, il peut lancer une carrière prometteuse.
Même si le principal intéressé ne l’a appris que plus tard, le 16 mars 2024 restera gravé à jamais dans la vie d’Anas Lagtiy-Chaoudar.
Le jour de la Sainte Bénédicte, son nom est apparu au Journal Officiel. L’Espagnol, car né en Espagne, de parents marocains le 17 janvier 2004, était enfin naturalisé Français.
Autour de son entraîneur à l’ASPTT Strasbourg, Jean-Marc Ducret, ils sont nombreux à s’être battus pour en arriver là, à avoir poussé à la roue. « On a tous l’impression que ça a pris une éternité, mais non, dévoile le coach. Aujourd’hui, on me dit qu’on a eu de la chance, que c’est allé assez vite. »
Malgré les pressions de l’Espagne
Et, outre les élus, la préfecture, le ministère des sports, de remercier les accélérateurs de particules, comme Mehdi Baala à la Fédération, le député Bruno Studer ou encore l’avocat en charge du dossier, Thomas Beaugrand… ex-athlète de l’ASPTT Strasbourg.
L’argument majeur fut toutefois Anas Lagtiy-Chaoudar lui-même qui, à travers sa progression sur la piste, a convaincu les instances. « On a lancé les démarches en juillet 2022 lorsqu’Anas a fini troisième sur 1 500 m lors des championnats de France juniors à Mulhouse, raconte Jean-Marc Ducret. On nous a dit que ses performances n’étaient pas encore suffisantes. »
Vainqueur un an plus tard à Châteauroux, le travailleur acharné a surtout retranché la bagatelle de huit secondes à son record. Dès lors, la Fédération a compris qu’il ne fallait pas lâcher cette potentielle graine de champion. Laquelle a entre-temps fait preuve de patience et d’une fidélité indéfectible à son pays, sa ville, son club d’adoption.
« Je ne voulais pas car je vis maintenant à Strasbourg, en France, et j’y suis bien. Mais les Espagnols n’ont pas arrêté de me contacter. J’aurais pu faire les championnats d’Europe juniors ( en juillet 2023 à Jérusalem, ndlr ), et même les championnats d’Europe de cross ( en décembre à Bruxelles ). »
« Ça y est, tu existes ! »
Car en novembre dernier, Anas Lagtiy-Chaoudar avait remporté les sélections juniors de cross, devant l’encore Obernois Gaston Rohmer, ensuite 16e dans la capitale belge.
Sa naturalisation constitue donc à plus d’un titre un juste retour des choses et surtout, à l’écouter, une libération. « Ça y est, tu existes ! Tu fais les minima, t’es sélectionné. Pouvoir monter sur le podium, recevoir la médaille, c’était bien, mais tu n’étais pas champion de France. Gagner les sélections, mais ne pas aller aux championnats, j’avais la haine. J’étais content mais frustré. » Alors qu’il bouillait de l’intérieur, exemplaire, il n’a pourtant jamais rien montré.
Son heure est venue. Après sa carte d’identité la semaine dernière, il vient de percevoir son passeport. Celui qu’attendait la Fédération française pour, une fois pour toutes, ôter de ses bilans les trois lettres – ESP – qui privaient l’athlète du Strasbourg Agglomération Athlétisme d’un destin international.
À 20 ans, conscient de ce qu’il a sous le capot, Anas Lagtiy-Chaoudar ose se projeter sur les JO de Los Angeles. « 2028 ? C’est clair, c’est le but ! Mais il faut bosser, progresser. » Ce qu’il ne cesse de faire.
Le 11 mai à Karlsruhe, il a dès sa course de rentrée abaissé son record de trois secondes encore (3’38”70, meilleur espoir français, avec de la marge). « C’était quasiment l’objectif de l’année. Pourtant, je rentrais de stage, j’étais KO. »
Quand le Franco-Espagnol dit stage, il évoque la terre de ses parents. Régulièrement, il part quatre semaines au Maroc, à Ifrane, au cœur du Moyen-Atlas, où il profite des 1650m d’altitude. Il doit ces parenthèses constructives à Rodolphe Raffin-Marchetti, son proviseur au lycée Marcel-Rudloff.
Ex-professeur d’EPS et ex-basketteur, lui aussi a jaugé le phénomène, n’hésitant pas à aménager les horaires de celui qui, encore en première Bac pro (électricité) suite à des soucis d’équivalence après ses jeunes années au Maroc et en Espagne, fait partie des têtes de classe.
De Carcassonne à Strasbourg, un choix de vie
Au hasard de la vie, des hommes et des femmes vous permettent d’avancer. Comme ce Marocain, ami de son père, lequel a conseillé à la famille de mettre le cap sur Strasbourg, quand le petit Anas, alors cadet, se morfondait à Carcassonne, lors de séances ne convenant en rien au demi-fondeur en devenir.
« Il disait, à Strasbourg, il y a un entraîneur pour vous, témoigne l’athlète. Il est un peu fou, mais vous verrez… » A aucun moment depuis son arrivée en Alsace, en décembre 2021, Anas Lagtiy-Chaoudar et les siens ne regrettent ce choix. Entre lui et Jean-Marc Ducret, l’osmose n’est pas un vain mot.
Le coach voit l’avenir en grand. Ambitieux certes, l’athlète laisse venir. « Il ne faut pas se prendre la tête, faut y aller, sans calculer. » C’est ainsi qu’il abordera samedi, lors du meeting cher à son club, un 1 500 m de haute levée qui pourrait lui permettre de repousser ses limites un peu plus.
* * *