Source DNA du 18/12/2024
Blessée et « traumatisée » à Mayotte, une Lingolsheimoise espère son rapatriement
Maëva ALVES l’ancienne perchiste de Lingolsheim, enseignante depuis quatre ans à Mayotte, est non seulement blessée, mais aussi marquée par ce qu’elle a vécu ces derniers jours. Sa famille se démène pour la faire rentrer en Alsace.
Dans sa chambre au centre hospitalier de Mayotte (CHM) à Mamoudzou, quatre jours après le passage dévastateur du cyclone Chido , l’ancienne perchiste de Lingolsheim , Maëva Alves, peine à se remettre. « L’expérience merveilleuse » qu’elle vivait pour la quatrième année, comme enseignante de français au lycée de Tsararano, vient brutalement de prendre fin. « On a été prévenus assez tardivement de ce qui arrivait vers nous avec une violence inédite. L’île n’est pas une zone cyclonique », rappelle-t-elle. C’est à partir du jeudi 12 décembre, deux jours avant l’événement, que des alertes automatiques de la préfecture tombent par SMS et sont relayées sur la chaîne Mayotte la 1re.
Elle barricade ses fenêtres
Les établissements scolaires sont fermés le vendredi 13 décembre, la population étant encouragée à se confiner au plus tôt. « Des départs par avion ont été avancés, mais pour moi qui avais prévu de partir le lundi 16 décembre en métropole pour les vacances, ce n’était plus possible d’évacuer. » Dès lors, « il fallait se préparer, faire éventuellement des courses, des réserves d’eau… » Prévoyante, la jeune femme s’inspire des réflexes de ses amis à La Réunion et barricade ses fenêtres avec des planches et tôles ramassées « dans la déchetterie d’à côté ». Des efforts qui lui valent quelques moqueries sur les réseaux sociaux, mais qui la mettent à l’abri. Pour autant, « quand les murs de la maison commencent à trembler, que les cris deviennent trop intenses », la jeune femme… s’endort. « Mon cerveau s’est comme éteint pendant deux heures, j’étais anesthésiée, alors que la nuit précédente je n’avais pas fermé l’œil. »
« Comme dans un film apocalyptique »
Le lendemain, elle se risque à l’extérieur pour mesurer « l’étendue des dégâts ». « J’étais très émue, évidemment. Tout était rasé, c’était l’horreur… » Dans l’idée de se rendre à la capitale Mamoudzou pour rejoindre des amis et trouver un peu de réseau téléphonique afin de rassurer sa famille, elle commence, avec d’autres, à dégager les routes. « Tout était encombré de troncs d’arbres et de tôles. Il n’y avait plus d’électricité, plus d’eau, plus aucune communication… » C’est alors qu’une de ces tôles qu’elle jette sur le bas-côté lui revient de plein fouet dans le tibia droit, sectionnant un tendon. « J’ai hurlé en voyant mon pied droit désarticulé qui pendait. Ce n’était pas tant la douleur que de me voir dans ce contexte, loin de tout, risquant de perdre mon pied… C’était comme dans un film apocalyptique », souffle-t-elle.
Soignée dans un dispensaire
La stupeur passée, ses « petits voisins » comme elle les appelle, l’aident à arrêter une voiture qui les « prend en stop ». « On passait en priorité dès que c’était praticable. » Il leur faut une grosse demi-heure pour découvrir un dispensaire où « par chance, un médecin très compétent » lui administre une « forte dose de kétamine » et lui « prodigue « les premiers soins dans des conditions minimalistes ». De retour chez elle en début d’après-midi, Maëva Alves attend qu’on lui apporte des béquilles, de plus en plus angoissée au fil des heures. « On m’avait dit qu’il fallait me faire examiner à l’hôpital dans les 48 heures et certainement m'opérer. » Contre toute attente, vers 18 h, c’est un ami de Mamoudzou qui vient aux nouvelles. « Je me suis effondrée dans ses bras », se souvient-elle.
« Privée d’une liberté élémentaire »
Grâce au « travail remarquable » de déblayage de la mairie, la jeune femme peut être conduite au CHM où elle est rapidement prise en charge, sans être rassurée pour autant. Les radios ne présentent aucune fracture, mais il faut rouvrir la blessure pour en savoir plus. « Dès que mon pied bougeait au-delà de 90°, la douleur était insoutenable, et pourtant j’en ai eu des blessures », détaille l’ancienne grande sportive. Elle passe la nuit à attendre, dans des conditions difficiles, jusqu’au lendemain midi. « Je suis restée 25 minutes au bloc. Au réveil, sous morphine, j’ai une sensibilité aléatoire et toujours une forte douleur. » Le plâtre est trop serré, le pied mal positionné, des ajustements sont effectués, mais l’impression d’avoir été traitée « au plus vite » ne la quitte pas.
Un éventuel « autre problème »
« Le tendon a été recousu. Est-ce qu’il n’y aurait pas d’autres lésions ? Est-ce que j’aurai des séquelles ? Je ne peux toujours pas bouger, ce n’est pas normal… » Elle entend les anesthésistes s’inquiéter d’un éventuel « autre problème », tandis que le chirurgien tranche : « Il n’a pas le temps. » « Ils me disent alors qu’ils me gardent en observation pour voir si je récupère ma mobilité. » Deux jours après l’opération, alors qu’elle s’apprête à quitter l’hôpital, elle ne note aucune amélioration. « J’aimerais être rapatriée, mais pour les médecins il n’y a aucun motif. Ils estiment que ça va venir, que le muscle tibial antérieur est traumatisé. »
Bloquée sur l’île
« Traumatisée », c’est bien ainsi que la jeune femme se sent. Après ces épreuves, elle est marquée par « l’état chaotique de l’île, les morts partout sous les tôles, les gens qui commencent à se disputer ce qui reste dans les magasins ». Également « préoccupée » à la pensée de ses élèves qui n’ont peut-être « pas pris au sérieux » les avertissements. « Beaucoup vivent dans des bangas en tôle, j’ai peur qu’ils ne soient pas allés dans les refuges. Que certains aient péri, je ne suis pas prête à l’entendre » Alors que l’aéroport est fermé, elle souffre aussi d’être bloquée sur l’île, « privée d’une liberté élémentaire, celle de retrouver ses proches ». Lesquels « se démènent en Alsace pour trouver une solution » et la faire rentrer au plus vite. Toutes ses affaires resteront sur l’île, lâche-t-elle. « Psychologiquement, je ne me vois pas y retourner avant des mois. Au-delà de la déchirure, ma convalescence va prendre du temps. »
* * *