La saison en suspens, les coureurs croisent les doigts...
Source DNA du 29/12/2020
Faute de certitudes, athlètes et entraîneurs font comme s'il y aura une saison hivernale
À défaut de pouvoir cocher des dates certaines au calendrier et élaborer ainsi leurs plans d’entraînement, les coachs et athlètes alsaciens font comme si la saison hivernale, cross et salle, démarrera bien dans un mois. Tout le monde croise les doigts.
L’an dernier à pareille époque, quelques paires de pointes étaient déjà pleines de boue au fond des sacs et les ambitions s’aiguisaient à l’idée d’attaquer les premiers championnats de cross-country. La saison hivernale 2020 n’est certes jamais allée à son terme en raison de la première vague de coronavirus, fin février-début mars, mais au moins avait-elle débuté. Et plutôt bien.
Cet hiver, le petit monde de l’athlétisme avance dans le brouillard, plus ou moins épais selon les sources, un peu comme au printemps dernier finalement. À la différence près que l’entraînement est désormais autorisé , à la fois pour le plus haut niveau (sans restriction), pour les majeurs licenciés (uniquement en plein air) et pour les mineurs (en plein air et en salle), dans le respect d’un « protocole sanitaire strict », selon la formule consacrée.
Et s’entraîner, c’est bien. Très bien, même. Mais pourquoi ? Et comment, quand on ne sait pas précisément ce que l’on prépare ? « En commençant par être patient, même si tout ça est très pénible », soupire Jean-Claude Vollmer, ancien directeur du haut niveau à l’INSEP (*) et nouveau coach de l’international brumathois Baptiste Mischler.
« L’expérience du premier confinement permet de mieux vivre cette incertitude »
Pour l’heure, le Strasbourgeois installé à Paris se raccroche aux dernières dates annoncées, qui prévoient un premier week-end de compétition possible les 23 et 24 janvier. « C’est là que les cross départementaux ont pour l’instant été déplacés et que les premiers meetings en salle pourraient avoir lieu à huis clos », rappelle le sexagénaire.
Dans un gros mois, donc. Précisément la date que Théodore Klein a cochée sur son calendrier. « Je m’entraîne normalement, je fais comme si la saison démarrera fin janvier et que les championnats de France auront lieu », indique le Bitschwillerois de 26 ans, champion d’Alsace en titre de cross long. « L’expérience du premier confinement permet de mieux vivre cette incertitude, je trouve. Je sais déjà que si la situation sanitaire ne s’arrange pas, on n’aura probablement pas de compétition avant mars-avril. »
« On a un peu les boules, mais on reste motivés »
Du côté du stade de Hautepierre à Strasbourg, Jean-Marc Ducret et son groupe ont adopté la même stratégie, à commencer par ses locomotives Julie Lejarraga, Mohamed-Amine El Bouajaji, Anicet Kozar ou Benjamin Rubio. « Je fais comme si de rien n’était », assure l’emblématique coach de demi-fond. « Il nous manque juste les compétitions, mais comme on est encore dans le gros cycle de travail foncier entamé à l’automne, ce n’est pas si grave. On a un peu les boules, forcément, mais on reste motivés et optimistes. Mine de rien, on a quand même réussi à s’éclater cet été, à aller au bout de la saison, alors qu’on était encore plus dans le flou lors du premier confinement. Au final, tout le monde a passé un palier. Rien de ce qu’on fait actuellement n’est perdu. On se tient prêts. »
Et se tenir prêts, pour Ducret et sa joyeuse bande, c’est démarrer d’ici peu les séances « pré-spécifiques » 800/1500/3000 m et cross court. Parce que l’idée est à la fois de courir en salle et dans les labours dès que les compétitions seront à nouveau autorisées, mais aussi de se projeter sur la saison en plein air. C’est là l’avantage des meilleurs : « Les athlètes de haut niveau ont l’habitude de travailler sur le long terme, sur des objectifs plus lointains », résume Jean-Claude Vollmer, également entraîneur du marathonien Hassan Chahdi. « Pour les plus jeunes en revanche, c’est compliqué… L’athlé va en perdre un paquet avec cette coupure. Sur Paris, c’est flagrant. »
« Aux entraîneurs de se montrer inventifs pour qu’il y ait un objectif auquel s’accrocher »
Raison pour laquelle il faut rivaliser d’ingéniosité pour garder le cap et la motivation intacte de ceux qui sont toujours là. « Je m’appuie beaucoup sur l’application Strava », témoigne Théodore Klein à ce sujet. « Il y a pas mal de défis que je m’amuse à relever, ce sont mes petites compétitions à moi pour le moment. Sur Thann, il existe par exemple une quinzaine de segments, de différentes distances, du plat ou en montagne. Le but est de les emprunter et d’essayer de faire de meilleurs temps que les autres. Ça donne envie de courir, c’est un moyen de se motiver. On se fait plaisir comme on peut… »
On se rassure, aussi, parce que sans repères, point de salut. « Avec Baptiste (Mischler), on a prévu de faire deux-trois meetings en salle cet hiver, mais si ça n’a pas lieu, il faudra valider son niveau de forme quoi qu’il arrive », confirme Jean-Claude Vollmer. « On fera ça sur les installations de l’INSEP ou ailleurs, ça s’aménage, le tout étant de trouver un moyen de savoir où on en est. Aux entraîneurs de se montrer imaginatifs, inventifs, pour créer des compétitions en interne, que sais-je, pour qu’il y ait un objectif auquel s’accrocher. Personnellement, ne pas pouvoir sentir la piste et l’adrénaline de la compétition me manque, bien sûr. Mais je m’accommode de la situation, tout simplement parce qu’il n’y a pas le choix. »
Et parce que, mine de rien, on sera bientôt en 2021. Qui, jusqu’à preuve du contraire, ne pourra pas être pire que 2020…
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